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Gérer un cheval qui chauffe

Si un cheval plein d’énergie et dans le sang est une véritable qualité en dressage, un « trop plein » peut vite déborder son cavalier. En général associé à une grande sensibilité, un cheval qui chauffe et cherche toujours à échapper en avant peut vite devenir un problème que l’on ne sait plus par quel bout prendre : faut-il lui imposer une cadence exagérément lente permanente en espérant qu’un jour il « s’y soumette », le laisser se fatiguer ce qui – disons-le tout de suite- se solde plus souvent par un coup de sang qu’une réussite à long terme pour l’avoir plus décontracté, le monter 7 jours sur 7 tout simplement ?

État des lieux
Ces chevaux dits « qui chauffent », sensibles et plus souvent dans la fuite d’une situation – ou d’une demande inaccessible du cavalier pour son cheval – que dans une réelle volonté contre-productive, nécessitent effectivement une rigueur impeccable et beaucoup de lâcher-prise de leur cavalier la plupart du temps. Cette perte d’équilibre (gérée ici par une fuite en avant) ne saurait être résolue par un simple « action/réaction » comme l’espèrent parfois des cavaliers plusieurs années avant de jeter l’éponge lorsque cela devient un bras de fer permanent parfois dangereux. La faute ne leur revient pas, ils ne reçoivent/n’ont pas reçu les outils techniques permettant de réellement désamorcer la situation à long terme. Une difficulté supplémentaire s’il en fallait une, après des mois ou années d’errance, à se persuader qu’ils n’iront jamais briller en concours avec leur cheval bourré de qualités, est qu’ils espèrent que de changer de méthode pour une qui soit efficace, doive avoir des résultats immédiats et sans « jours sans ».

La fin versus les moyens
Malheureusement pour faire évoluer un problème installé il faut plus que quelques minutes de bonne volonté… Et pourtant, comme je les comprends. Le dressage n’est pas une affaire de s’en tenir aux fins pour obtenir les moyens. Tenter de freiner manu militari en continu un cheval qui n’a probablement pas la force nécessaire de s’équilibrer seul, a pour conséquences directes d’offrir un point d’appui au cheval, un inconfort physique important sans pause si vous le raccourcissez parfois plein bras, la descente et le pincement du garrot, et ainsi un désengagement des postérieurs.
Alors, vous aggravez la source du problème : le manque d’engagement des postérieurs sous la masse crée un déséquilibre permanent auquel certains chevaux remédient en accélérant. C’est comme de courir dans une pente qui descend fort : soit vous allez très doucement en marchant, soit vous accélérez avec la pente en espérant retrouver votre équilibre. Si la descente est trop longue, vous savez comment vous allez finir…

Courir dans la descente – Quelle solution mécanique ?
Dans ce contexte, ajoutez à cela un cavalier qui utiliserait ses 2 bras pour freiner plus ou moins vainement son cheval : alors qu’il dévale la pente de plus en plus vite, on lui oppose un mur. Il a alors deux options. Votre cheval, qui fait assurément partie des guerriers, au lieu de piler devant et de se résigner à tuer son impulsion naturelle à petit feu, décide de le sauter tant bien que mal pour passer à travers parce qu’il ne peut pas s’arrêter facilement – ou sans douleur supplémentaire évitable- avec les postérieurs désengagés.
Lorsqu’elle ne résulte pas simplement de problèmes de santé ou d’adéquation du matériel, ce genre de situation délicate lorsqu’elle est enkystée se résout grâce à tous les exercices permettant au cheval d’augmenter sa proprioception, de réengager par lui-même ses postérieurs en supprimant l’opposition au mouvement – qui lui est impossible d’entendre.

Le cavalier par ailleurs est celui qui a le difficile travail de changer son état d’esprit, d’accepter totalement l’énergie de son cheval afin de vouloir la changer. Il ne s’agit jamais de l’écraser pour en recréer ensuite. Il lui faut pouvoir monter en acceptant de ne d’abord pas tout contrôler, de ne pas faire toutes les allures si ce n’est pas possible de les travailler, et de proposer uniquement au cheval des changements d’allure plutôt que des ralentissements sans but. Le cheval leur paraît « aller vite » parce qu’en réalité il est en déséquilibre, mais la solution est essentiellement le mouvement en avant pour le réengagement. Peut-être que ce cheval a juste des allures naturelles hors normes qui couvrent beaucoup de terrain, et que le laisser les retrouver va suffire à le rééquilibrer. Peut-être que ce sera plus complexe. En aucun cas il ne faudrait perdre son propre calme ou rentrer dans l’auto-critique : les tensions qui en résultent sont totalement délétères et vont entretenir les tensions qui animent le cheval. Enfin, ces chevaux sont de parfaits professeurs pour apprendre à monter avec l’assiette, et vers l’avant, avant de penser à monter avec les mains.
Refuser le mouvement ne suffit pas, il faut qu’il s’exprime dans un cadre le moins dangereux possible en proposant un programme spécifique permettant au cheval de gagner en relaxation et en engagement. Le « quoi faire » devient alors bien moins important que le « comment ». Si vous proposez des transitions répétées, elles doivent se demander sur des demi-parades de la rêne extérieure sans jamais « opposer de mur » avec les deux mains, la rêne interne doit être souple et la main avancée le plus souvent et longtemps possibles. La transition doit être demandée mais doit ensuite laisser le cheval se débrouiller et trouver son équilibre et son organisation de lui même pour ne pas perdre son bénéfice. Si vous demandez des voltes à un cheval qui part en voyant une ligne droite, cela nécessite de tourner en encadrant son côté extérieur pour lui tourner les épaules, toujours en évitant de tourner par rêne directe qui va empêcher le cheval d’engager son postérieur intérieur (notre but !) parce qu’il va se raidir contre. Il doit s’équilibrer seul, nous ne pouvons pas gérer la vitesse à sa place, seulement la trajectoire. Même principe pour les variations d’allure qui doivent avoir un début, un but atteignable en termes d’allure, et une fin dans laquelle on laisse le cheval retourner à son allure d’origine – ou le pousser au-dessus. La logique est la même pour tous les exercices de gymnastique classiques, aidant à diviser les appuis pour augmenter la souplesse du cheval.

Pour réengager les postérieurs et s’articuler pour utiliser toute sa ligne du dessus, le cheval a besoin d’abord de l’usage de son encolure, d’un cadre – et d’un cavalier – stable et rassurant, et de se décontracter.

Sportivement vôtre,

Emeline Debuire