Blog,  Encadrer et être entraîné

Enseigner, entraîner, progresser : développer les sensations

Les cavaliers qui progressent le plus et le plus vite, dont on peut entendre qu’ils sont très talentueux sont souvent ceux qui sont le plus à l’écoute de leurs sensations et plus précisément de celles que leur envoient leur cheval et par ailleurs ceux qui développent rapidement une bonne position.
Mais développer le ressenti du cavalier, c’est aussi lui permettre d’expérimenter une sensation et d’apprendre de cette expérience. Fort de celle-ci, il est conscient de ce qu’il doit chercher par lui-même à l’aide de quelques clés qu’on a pu lui apporter, et de sa propre créativité.

Mais comment permettre de développer ce sens ? Quelle grande question !

En tant qu’enseignant, trouver des outils à chaque fois que c’est possible plutôt que d’être dans une répétition incessante est d’une aide précieuse. Ici en vidéo, une élève est assise sur le water-roll de Franklin de sorte de n’avoir d’autre choix que de se gainer, se verticaliser et d’être sur ses ischions. Combien de cavaliers voit-on assis au fond de leur selle comme on serait au fond d’un fauteuil… Et donc incapables de fonctionner, de se tenir et donc d’asseoir leur cheval. Pour cela, il est toujours très impressionnant, après des efforts proportionnels, de voir la progression du cavalier dans sa posture et sa position sur le fonctionnement du cheval… Ici un modeste croisé Quarter (ou Paint, my bad Urko) qui a naturellement un équilibre descendant, un garrot qui a du mal à sortir (quoique quoique, on commence à avoir de beaux changements même en statique via l’évolution de sa musculature, la sangle abdominale se cintre, le garrot se dessine, l’équilibre entre arrière-main et avant-main est amélioré) et qui peut vite prendre la décision de se plaquer derrière la main en se répandant, laissant sa propriétaire dans d’intenses moments de solitude… *pense à tous ces épisodes où il a rentré la tête sur le côté pour foncer plus ou moins gentiment tout droit*. Bref, saddle fitting, bit fitting (merci Laetitia Ruzzene – bit-fitting.fr !!), des mois de travail de concert, et on commence à apercevoir le cheval qu’il pourrait être. Ce n’est pas si simple dans la durée que cela en a l’air ici avec un outil pédagogique, néanmoins c’est une étape qui nous fait gagner tellement plus de temps. Lui expliquer et répéter encore et encore quelle zone elle doit mettre en tension ou relâcher a plus de chances de la crisper et de lui créer des douleurs (sans relever qu’en attendant le cheval ne fonctionnera pas mieux), n’aura jamais autant d’impact que de la laisser ressentir par elle-même comment c’est de s’asseoir ‘au bon endroit’ avec le plat des cuisses au contact et contractile. La carotte d’avoir senti par elle-même un galop équilibré, droit et actif survenir si naturellement est mille fois plus efficace que la peur d’un professeur ou que l’envie de lui faire plaisir. Ce qu’auparavant tout le monde ne réussissait pas à apprendre à comprendre est devenu accessible à un bien plus grand nombre, pour le plus grand bénéfice de nos chevaux. 

Parfois, laisser les choses se faire, laisser le cavalier tenter des solutions et s’apercevoir progressivement par lui-même quels éléments techniques il a « oublié » avant que les choses se dégradent permettent un nouvel élan. 
En tant qu’entraîneur, on n’oublie pas, dans un objectif de moyen-terme, que nous sommes là pour que le cavalier soit meilleur même les jours où nous ne lui susurrons pas dans l’oreille.

Donc, si l’élève doit pouvoir s’auto-corriger, il doit aussi rester perméable à ce que lui indique son cheval en temps réel plutôt qu’une fois que plus rien ne va – et qu’il est trop tard pour réagir de façon efficace. Vaste problématique, à la sensibilité de chacun, qui ne s’adapte pas exactement pareil selon les couples, néanmoins elle peut aussi résider dans la même échelle de progression que celle que l’on applique aux chevaux au travail : décontraction, rythme, contact, impulsion, rectitude, rassembler.
Dans les premières étapes, le moins d’actions le cavalier a à faire, le mieux il peut ressentir. Si on est trop occupés à agir tout le temps activement avec nos bras et nos jambes, comment ressentir finement ce qu’il se passe sous notre selle ? (désolée, cela donne parfois l’illusion à mes élèves qu’ils vont enfin arrêter de se fatiguer à cheval, mais ce n’est pas vrai très longtemps non plus une fois qu’on ouvre le champ des possibles  :D) Comment savoir si nos actions sont justifiées, et comment savoir si on s’attaque au symptôme ou aux causes des résistances ?
On ne peut pas. Il faut mettre de l’ordre, prendre conscience de toutes nos actions, enlever les actions parasites, enlever nos propres résistances (souvent traduit par : rêne intérieure, mon amour), et débloquer nos articulations pour laisser passer les mouvements que l’on demande.
Plus tard, plus symétrique et proprio-sensible, il sera nettement plus efficace d’agir et de soutenir son cheval, mais la table rase est parfois nécessaire. Indispensable. Parce que ce sont de « petits détails » qui font toute la différence entre un excellent cavalier et un bon cavalier.