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L’inflexion naturelle

On l’expérimente tous de façon plus ou moins aiguë, et on entend parfois les moniteurs parler de cheval droitier ou gaucher. Plus qu’un cheval droitier ou gaucher, il s’agit d’un déséquilibre latéral qui est dû à…La gestation !
En tant qu’humains, on ne l’expérimente pas par nous-mêmes, néanmoins notre latéralisation nous incite déjà à comprendre la notion avec certes l’écriture mais aussi nos réflexes latéralisés (attraper un objet au vol ou difficilement accessible). D’où cet amalgame avec le fait qu’un cheval serait droitier ou gaucher…C’est un peu plus complexe et un peu plus physiquement ancré en ce qui le concerne. L’entraînement et les habitudes de travail font varier la main de préférence ou de facilité notamment par la répétition, je fais partie des gens qui placent le mot « droitier/gaucher » là-dessus bien que ce soit aussi un abus de langage (contrairement à notre latéralisation qui n’évolue pas aisément, en tout cas ne varie pas si vite dans le temps).
Cette assymétrie naturelle est contenue ou aggravée par le suivi orthopédique (au sens, ajustement et suivi des aplombs), et est aussi largement tributaire du suivi dentaire (notamment l’apparition d’abcès suite à une dent cassée (que le cheval soit embouché ou non !), le suivi ostéopathique juvénile ou la présence de dents de loup/cochons incluses, pas toujours relevées par tout dentiste) et enfin peut être adaptée à la latéralisation du cavalier avec l’habitude…Le cavalier et cheval trouvant un équilibre « en travers » dans leur déséquilibre en « faisant avec », en somme (ou au contraire le couple s’en retrouvé dégradé avec le temps, dans tous les cas la performance n’en est jamais améliorée).

Du côté court, le cheval place son postérieur non pas en place sous la masse mais sur le côté en perdant de l’engagement vers l’avant. La poussée des postérieurs est modifiée : l’un porte mécaniquement plus de poids car centré sous la masse alors que l’autre se place en périphérie du mouvement et présente une déperdition d’énergie. En fait, cela répond à un schéma plus global où le corps entier fonctionne naturellement en virgule plus ou moins relative. Cela peut même aller plus loin, le cheval se sentant moins à l’aise pour regarder avec son oeil côté court, privilégiant l’autre côté pour analyser ce qui pourrait le surprendre.
En termes de sensations pour le cavalier, à une main le cheval présente une incurvation très facile à obtenir et à l’autre où le galop peut être même un peu plus difficile (car demande au postérieur intérieur de venir plus loin sous la masse, bien que cela ne nécessite pas que ledit postérieur porte la masse entière du cheval sur le premier temps), et où l’incurvation est moins aisée parce que les hanches rentrent à l’intérieur du cercle alors que le bout du devant s’en éloigne. Néanmoins, de façon assez contre-intuitive, lorsque l’on arrive à redresser le cheval il gagne en équilibre longitudinal de façon plus marquée, peu habitué qu’il est à surcharger l’épaule extérieure de ce côté-ci.

Outre un suivi de soins continu et de qualité, développer la souplesse du cheval de façon très progressive et la gymnastiquer tout au long de sa carrière sportive est le seul moyen durable et efficace pour atténuer les effets de l’inflexion naturelle : il ne s’agit pas d’une démarche que le cheval a apprise et peut désapprendre en la corrigeant « au coup par coup » en remettant le postérieur que l’on croit « désaxé », dans « l’axe ».

Equestrement vôtre,
Emeline Debuire.