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Développer la soumission

Je dois admettre que plus j’en apprends sur les qualités et caractéristiques cognitives et sociales des chevaux, plus le terme « soumission » me paraît ambigu, ou du moins du genre à induire en erreur sur les moyens nécessaires. La soumission se rapproche plus de notions d’éducation, de captation de la concentration du cheval, de compréhension et d’anticipation des réactions cognitives des chevaux ainsi que de leur schéma locomoteur, et enfin il y a une part de tempérament, de situation et de complicité. En reprise, on attend de voir un cheval aux allures et à l’attitude régulières, réagissant avec fluidité à des aides discrètes : c’est l’indicateur choisi pour allouer la note susdite (il faut bien en choisir un et il est plutôt bien trouvé !).


Un rappel qui ne fait jamais de mal, se demander pourquoi les chevaux s’intéressent à suivre nos exigences alors qu’ils pourraient aisément les ignorer et vivre leur petite vie. Il n’est pas nécessaire de les soustraire à une vie sociale avec les congénères pour qu’ils puissent être travaillés et montés, et il n’est pas nécessaire d’être agressif en pensant faire appel à la théorie du mâle alpha. Mais pourquoi ils nous écoutent plus qu’une autre personne, et pourquoi ils s’en remettent ou non à nous pour savoir comment se comporter dans un environnement humain et changeant ?

Une question qui pourrait être correctement abordée dès le poney-club

Soyons honnêtes, plus on apprend tôt le postulat qui semble éprouvé scientifiquement dans l’état actuel des connaissances, plus on promet un bel avenir aux cavaliers et surtout à leurs chevaux. « Il se fout de ta g*eule », « il doit mourir pour toi », « c’est toi le chef ! » « à c’est lui qui gagne » sous-entendent un peu trop souvent que le cheval doit apprendre à perdre et c’est grâce à ça qu’il se soumet, et que c’est l’agressivité qui fait de vous un leader.

Sauf que, posons-nous deux minutes pour nous rappeler quelque chose : il n’y a pas de hiérarchie établie dans les groupes autre qu’en fonctionnement bilatéral (entre 2 individus seulement) qui ait pu être démontrée dans la littérature. Je n’ai pas besoin d’être plus « dominant » que le « dominant » du groupe pour gagner l’estime des autres. En réalité, la dominance s’applique dans les cas de compétition de ressource…Ce qui est bien plus fréquent en milieu domestique qu’en milieu naturel. Lors de rencontres houleuses, le cheval apprend à éviter le cheval qui l’a chassé pour les fois suivantes. Le concept de leadership en serait dissocié par essence, il s’agit d’être suivi et non évité, d’inspirer la confiance et non la peur. Pourquoi les poneys ont le syndrome du moniteur ? Très rapidement, ils détectent son attitude, sûr de lui, de son geste technique, et, avouons-le, son calme.

Le Leadership, cette danse en double-lead

Le leader, celui qui prend les décisions, n’est pas un cheval particulier dans un groupe. Souvent le rôle est pris par une jument qui serait plus âgée et donc expérimentée, mais ce n’est pas exclusif. Il y a donc autre chose…Et tant mieux, ce n’est donc pas impossible de prendre cette place face à un cheval expérimenté (qui s’en reporterait moins à autrui qu’un jeune cheval).

Dans cette construction d’une relation positive, il faut que le plus souvent possible (ne jamais dire jamais… en tout cas si ce n’est pas le cas dans une situation il faut que cela change rapidement par la suite) les événements soient gagnants-gagnants : quand il gagne, je gagne aussi ; quand je gagne, il gagne aussi. Le rapport de force est exclu, il ne peut résoudre tous les problèmes et risque d’être balayé si, lors d’une situation de crise (par exemple le cheval a peur soudainement d’un élément extérieur) le cheval s’aperçoit qu’il peut traverser la force musculaire – et la détermination – de son cavalier… On peut être un fétu de paille comme moi et y arriver au moins aussi bien avec un peu de créativité et d’intelligence, alors, pourquoi s’en priver ?

Par suppression du rapport de force, je veux dire : ne pas empêcher la faute mais au contraire s’en servir pour créer de nombreuses situations d’apprentissage au quotidien (par essai-erreur) dans lesquelles vous pouvez renforcer votre position. Si le cheval est retenu dans une attitude d’encolure par exemple, il pourrait ne penser à attendre l’ouverture pour réussir à en sortir. Alors que s’il a pu essayer d’en sortir pour voir que ça devenait inconfortable, il a tout à gagner à y rester… Vous êtes 99% du temps à l’entraînement et non en représentation, on peut réellement mettre ce temps à profit.

Des extrêmes inefficaces : inspirer la peur ou espérer inspirer la gentillesse

La peur ne montre pas de bons résultats à moyen terme : elle crée plus de situations hors de contrôle qu’elle n’en résout, n’est définitivement pas très « happy athlete » friendly et empêche chimiquement le cheval d’apprendre et de développer sa masse musculaire par ailleurs. Un taux de cortisol élevé n’a que des effets contre-productifs en chaîne, autant ne pas trop compter dessus ; jusqu’à compromettre la santé du cheval et le rendre plus sensible à des blessures (sans parler d’acidités gastriques).

Pour avoir un rapport de confiance et un bon fonctionnement en couple avec votre cheval, vous devez être ce dont il a besoin ; fiable et confiant pour qu’il puisse se reposer sur vous en cas de problème. Néanmoins, si vous cherchez désespérément à lui inspirer du respect et de la soumission en étant gentil mais en étant pas consistant dans aucune de vos demandes voire exigences envers lui, votre cheval pourrait en tirer la seule conclusion que vous n’êtes pas fiable : vos décisions peuvent être remises en causes par celui censé les exécuter, c’est peut-être qu’il devrait les prendre pour vous… Jusqu’au moment où il atteindra sa limite (émotionnelle ou de compromis acceptable de sa part). Encore un mauvais plan, mais avec un peu de technique et de méthode votre empathie sera un grand atout !

Enfin, le contrôle de nos propres émotions est un point clé pour être entendu et suivi. S’il cherche chez vous une réponse et que vous parlez avec votre panique vous conviendrez que ça ne risque pas d’arranger la situation…

La complicité compense la technique

Oui, c’est une réalité, en partie plus ou moins grande. Plus la complicité entre le cheval et son cavalier progresse, plus il pourra lui passer ses imprécisions techniques (de méthodologie, donc) jusqu’à un certain point. Pour transformer l’essai, il faut mettre cette latence créée à profit pour progresser et se perfectionner au fur et à mesure. Si a contrario le cavalier s’endort sur ses lauriers, il pourrait avoir la sensation qu’après une lune de miel la situation se dégrade subitement et très rapidement en même temps que la confiance qu’avait son cheval en lui. Et sur des chevaux sensibles, cela peut devenir très vite impressionnant autant par les réactions du cheval que le fait de se sentir émotionnellement submergé. Parce que, pour sans doute un tas de raison, on est toujours moins apte à avoir une méthodologie impeccable sur nos propres chevaux qu’avec ceux des autres : notre ego est plus ou moins prompt a être atteint par une régression qui nous empêcherait de garder l’esprit clair afin de réagir correctement. Garder un réseau d’encadrement à tout niveau est alors vital !

Sportivement,

Emeline Debuire – Integre Training