Blog,  Professeur cheval

Irrespectueux, cet anthropomorphisme qui vous veut du mal.

En ce moment, plus j’entends « il ne te respecte pas fais quelque chose ! » pour des situations pourtant très variées, plus je m’insurge sur des habitudes d’anthropomorphisme qui me faisaient déjà tiquer. À vouloir catégoriser à mort pour des phénomènes qui ne sont pas ce qu’on leur fait dire, on oublie de voir chaque cheval comme il est. Par ailleurs, cela induit souvent la colère du cavalier concerné vis-à-vis du cheval parce qu’il ne comprend même pas ce qu’il se passe et n’a donc pas les outils adéquats pour sortir durablement de sa situation. Souvent là où on dit « respect » on pense à dominance ce qui est nettement différent. Et problématique si on voit la hiérarchie comme celle d’une entreprise par exemple. Il s’agit d’un moyen de survie pour les espèces grégaires, permettant d’établir dans chaque situation quel animal prend la décision. Et parfois, si on laisse trop souvent à notre cheval la charge de prendre des décisions, cela se termine mal parce que ça peut devenir anxiogène… Et il ne perd par ailleurs l’habitude de s’en remettre à vous pour avoir une solution à son problème.

Restons descriptifs avec nos problèmes

Pour un même comportement, les interprétations sont multiples et dépendent de beaucoup d’indices remis bout-à-bout. Malheureusement, dans énormément de cas, cela se résume à un manque de travail pour que le cheval apprenne à faire autre chose que ce qui nous pose problème, ou à un problème sous-jacent non diagnostiqué (douleurs, gênes physiques). Les chevaux apprennent en permanence à évoluer à nos côtés, parce qu’ils vivent dans un monde d’humains. Ils n’arrêtent pas d’apprendre quand par flémmingite chronique vous laissez tomber systématiquement tel point d’éducation au moment de le lâcher au parc par exemple. Ou que vous repassez au pas pour faire vos pauses en laissant votre cheval passer derrière la jambe et s’ouvrir malgré le contact. Il apprend, même quand vous n’y pensez plus.

Si ton seul outil est un marteau, tu ne verras que des têtes de clou

Un cheval qui rentre dans votre bulle ne tient pas toujours spécialement à prendre le dessus sur vous. Peut-être qu’il ne se sent pas en sécurité lorsqu’il est éloigné (certes, c’est un cheval : la sécurité passe par le nombre, un cheval seul est un cheval mort), peut-être qu’il a des patrons-moteurs d’étalon (pousse beaucoup avec l’épaule, va au contact facilement vers l’avant, moins émotif), peut-être que dans les situations de stress vous agissez trop bizarrement pour qu’il comprenne que votre bulle est toujours une nécessité, peut-être que lorsqu’il est déjà pris dans sa peur il est trop tard pour lui mettre de la pression et qu’il intègre durablement ce qu’il s’est passé, ou peut-être encore que vous ne faites rien pour ajouter de la valeur à vos attentes par rapport au reste de l’environnement (et donc, c’est l’environnement qui prime), ou peut-être encore que dans vos sessions de travail vous ne jouez pas sur le bon mode d’apprentissage pour une situation donnée (renforcement positif, négatif, punition positive, négative, etc) pour être efficace.
En général, on s’inquiète de respect quand on doit plutôt s’adresser à mettre le cheval dans un cadre rassurant pour lui comme pour vous, en mettant tout le monde en sécurité.

Et des solutions alors ?

Alors, la bonne réaction c’est quoi, hurler jusqu’à vous faire respecter ? Frapper jusqu’à vous sentir respecté ? Le respect, c’est la construction d’un cadre social entre vous et votre cheval basé sur la confiance et aussi sur la possibilité d’échouer. Provoquer la peur ne vous emmènera pas sur la voie de la sécurité avec votre cheval. Pendant que vous, vous craigniez souvent d’être blessé, lui il craint plutôt de mourir, parce que c’est une proie. Personne ne veut jouer à ce jeu. Parfois, une défense est déclenchée par des cavaliers/meneurs trop occupés à tout interdire pour s’inquiéter de ce qu’ils indiquent comme autorisé à leur cheval. Ils disent beaucoup non et ne disent jamais que c’est ce qu’ils attendaient. Ou ils associent le « oui » à autre chose comme s’arrêter net, et quand ils interdisent d’arrêter sur une récompense (vocale ou non) le cheval devient excessivement frustré et perd en coopération.

Pensez construction et progression

Par ailleurs, qu’on se rassure, la hiérarchie et le leadership ne sont pas des notions permanentes. Cela évolue avec le temps et diffère d’une situation à l’autre. Celui qui dit ce qu’on doit faire est celui qui est calme, sûr de lui, clair. Passer d’une réaction d’inquiétude à une réaction qui suit la pression, c’est une gymnastique qui se travaille. Ne confrontez pas un cheval à des situations trop difficiles pour lui parce que « c’est bon faudra bien qu’il y passe un jour » alors qu’elles vont être associées à une émotion ingérable et que vous ne saurez pas maîtriser. Tout se préparer, et chaque étape difficile doit être présentée quand le cheval est préparé d’une façon ou d’une autre : il pourra trouver dans la situation et en vous des repères déjà connus qui vont l’aider à raccrocher les wagons plutôt que de monter en émotion vers l’infini (RIP sa possibilité de réflexion et de connexion).

Obtenir la coopération

Être digne de confiance c’est aussi les intéresser à produire les efforts qu’ils peuvent, plutôt que de leur infliger des efforts dénués de sens et d’intérêt à leurs yeux sans entendre leurs signaux de fatigue. Le cheval n’a pas « le goût de l’effort » par contre il peut perdre confiance dans un cavalier qui ne sait pas s’arrêter avant d’aller à la douleur de sa monture. Ce qui va le rendre très résistant à toute notion d’effort physique de peur que quand ça ira trop loin, il ne sera pas entendu. A contrario, le cheval qu’on « dégaze » à fond en longe avant de monter parce qu’il est jeune et qu’on est vraiment pas sûrs de lui, il prend de l’endurance, et il apprend que dans certaines situations avec nous on attend de lui (et donc il a tout à gagner à ce) qu’il courre dans tous les sens en continu voire se jette en l’air. Problématique n’est-ce pas ? Raison pour laquelle la longe doit être une situation de travail et de développement d’intérêt envers suivre vos codes, plutôt que vous qui subissiez sa déconcentration énergique en attendant que ça lui passe (et en espérant qu’il ne vous échappe pas ou ne se fasse pas mal, ou pire ne vous fasse pas mal par mégarde ou dans l’excitation).Être digne de confiance c’est aussi les intéresser à produire les efforts qu’ils peuvent, plutôt que de leur infliger des efforts dénués de sens et d’intérêt à leurs yeux sans entendre leurs signaux de fatigue. Le cheval n’a pas « le goût de l’effort » par contre il peut perdre confiance dans un cavalier qui ne sait pas s’arrêter avant d’aller à la douleur de sa monture. Ce qui va le rendre très résistant à toute notion d’effort physique de peur que quand ça ira trop loin, il ne sera pas entendu. A contrario, le cheval qu’on « dégaze » à fond en longe avant de monter parce qu’il est jeune et qu’on est vraiment pas sûrs de lui, il prend de l’endurance, et il apprend que dans certaines situations avec nous on attend de lui (et donc il a tout à gagner à ce) qu’il courre dans tous les sens en continu voire se jette en l’air. Vous lui apprenez, vous humain, peut-être même qu’il a besoin d’être en fuite quand il n’a pas la réponse. Problématique n’est-ce pas ? Raison pour laquelle la longe doit être une situation de travail et de développement d’intérêt envers suivre vos codes, plutôt que vous qui subissiez sa déconcentration énergique en attendant que ça lui passe (et en espérant qu’il ne vous échappe pas ou ne se fasse pas mal, ou pire ne vous fasse pas mal par mégarde ou dans l’excitation).

Et vous, quelles paroles de couloir de centre équestre vous défrisent ?

Sportivement,

Emeline Debuire